Né à Paris au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Kiki of Paris se forme d’abord aux sciences humaines et sociales avant de s’orienter vers les arts plastiques. C’est au cœur du quartier de Montparnasse, foyer d’intellectuels et d’artistes, qu’il rencontre le comédien Michel Simon, lequel le présente à l’écrivain Henry Miller. Cette rencontre marquante, prélude à un conseil décisif, oriente définitivement sa trajectoire vers la photographie.
Ses premières images relèvent du document ethnographique ; il collabore alors avec l’ethnologue Robert Jaulin, dont l’approche ouverte des cultures influencera durablement son regard. Très tôt, ses pérégrinations l’amènent en Asie, en Europe centrale, à Cuba, en Jamaïque et surtout aux États-Unis, où il séjourne longuement en Californie et dans le Nevada. Ces expériences nourriront une vision du monde sensible, engagée, profondément attentive aux gestes du quotidien.
Au tournant des années 1990, il s’inscrit dans la lignée de la photographie humaniste, dans le sillage de Brassaï, Robert Doisneau et surtout Willy Ronis, qu’il rencontrera à plusieurs reprises. Il oriente alors son œuvre vers des thématiques majeures : la ville, l’été italien, les rituels de fête. Son approche n’est jamais documentaire au sens strict : elle est analytique, parfois ironique, toujours profondément humaine.
En 1996, sous l’impulsion d’un collectionneur suisse, des mécènes américains acquièrent ses grands formats. S’ensuivent des expositions à Nassau, Seattle, Paris, Tokyo, Luxembourg et dans divers contextes internationaux. Sa série « Un été vénitien » rencontre un écho particulièrement fort auprès des collectionneurs, prélude à d’autres ensembles marquants, notamment celui consacré aux fêtes foraines d’Europe centrale, hommage contemporain à Fernand Léger.
En 2006, le Comité Kiki of Paris est créé afin de promouvoir l’œuvre de l’artiste et d’émettre les certificats d’authenticité des œuvres originales. Présent dans de nombreuses collections privées et institutionnelles, tant en France qu’à l’étranger, Kiki of Paris est également référencé dans les ventes publiques d’art contemporain. Il est membre de l’ADAGP depuis 2000.
Ethnologue de formation, Kiki of Paris se distingue par une capacité rare à capter les interactions sociales les plus fugaces avec la rigueur de l’analyse scientifique et la poésie du regard artistique. Sa production est volontairement restreinte : à chaque image retenue correspondent des centaines d’autres détruites. Certaines œuvres, comme « Le Messager », auront nécessité plus d’un an de recherches et d’observations avant de parvenir à une composition définitive.
L’artiste expose peu : ses œuvres sont principalement visibles dans des réunions privées de collectionneurs avertis. Cette rareté accentue la valeur esthétique et symbolique de son travail, qui interroge sans relâche la place de l’homme dans la cité, les archétypes sociaux, et les structures cachées du réel.
Influencé par le structuralisme, tant en anthropologie qu’en linguistique, Kiki of Paris publie en 1999 un essai théorique remarqué : « Structures primaires et polymorphes », dans lequel il propose une lecture systémique de l’image. Les structures primaires, selon lui, saisissent un fragment du réel dans une unité de temps qui donne du sens à l’instant ; tandis que les structures polymorphes organisent des éléments disparates dans une composition signifiante qui dépasse l’addition de ses parties.
Cette démarche le distingue radicalement des maîtres du vernaculaire comme Martin Parr : là où ce dernier se limite à l’observation ironique du banal, Kiki of Paris dépasse la scène en la recomposant, lui conférant une portée allégorique et parfois critique.
L’œuvre de Kiki of Paris est façonnée par de multiples influences, parmi lesquelles figurent des figures de légende rencontrées au fil du temps : Henry Miller, bien sûr, mais aussi le cinéaste Joseph Losey, ou encore William S. Burroughs, représentant intransigeant de la Beat Generation, dont le regard glaçant ne le laissa jamais indifférent.
« Ce qui fabrique l’image, c’est la culture. La photographie est un morceau de temps encapsulé. Le résultat est une chimie composite : l’instant T, celui de la rencontre entre une idée, une esthétique, un sujet bien cadré, et la mémoire de l’humanité », confiait-il lors d’un entretien avec le collectionneur suisse Abraham Gould à Venise, en 1998.